La Coupole d'Helfaut-Wizernes

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Helfaut - La Coupole.JPG

Ancienne base militaire allemande de lancement de fusées V2 pendant la Seconde guerre mondiale, la Coupole est aujourd'hui devenue un haut lieu du tourisme culturel dans la région Nord-Pas-de-Calais. Ancêtre des actuelles bases de lancement de fusées tels que Kourou et Cap Canaveral, la Coupole de Wizernes aurait dû abriter à la fin de sa conception plusieurs rampes de lancement permettant l'envoi d'une fusée toutes les 5 minutes sur le Royaume-Uni. C'est le seul blockhaus circulaire existant.

Une base militaire allemande

Histoire du site

Situé à l'emplacement d'une ancienne carrière de craie, à flanc de colline, le site bénéficie également de la proximité d'une voie ferrée (liaison Saint-Omer / Lumbres), et jouit d'une relative discrétion à l'écart des grands axes de circulation routière. Afin de lancer les armes de réprésailles ( en allemand "Vergeltungswaffe", soit en abréviation le V2, le V1 étant un avion à réaction sans pilote lancé à partir de rampes), les nazis choisissent trois bunkers de tir : Éperlecques, Wizernes et Sottevast dans le Contentin, ces sites permettant des tirs rapides sur le Royaume-Uni.

C'est à la suite de la mise hors service du blockhaus d'Éperlecques, premier site choisi d'envoi de fusées, par une attaque aérienne américaine en août 1943, que les nazis décident de lancer le programme de construction de la Coupole. Pendant 9 mois, d'octobre 1943 à juillet 1944, environ 1 300 ouvriers, essentiellement des prisonniers soviétiques et des français du STO vont travailler jour et nuit, dans des conditions extrêmement difficiles, sous la garde des forces allemandes. Il est prévu que le bunker puisse à terme stocker et lancer le 1er missile balistique de l'histoire vers Londres. Le site n'est qu'un lieu de lancement. Les fusées sont acheminées par voie ferroviaire depuis l'usine souterraine de Dora-Mittelwerk à l'Ouest de l'Allemagne.

Grâce à l'action de la résistance et au courage des aviateurs anglo-saxons, le site est découvert pour être ensuite neutralisé, non sans mal, faisant des environs immédiats de la Coupole un paysage digne de la Lune. Pendant toute son histoire militaire, la Coupole va subir 16 attaques aériennes, mais n'enverra aucune fusée. A la suite de la destruction du bunker, les nazis priviligieront les sites mobiles de lancement.

L'ouvrage en chiffres

Vue aérienne de la Coupole.

90 mètres de circonférence, 71 mètres de diamètre, une épaisseur de 5,5 mètres de béton, une hauteur de 42 mètres par rapport à l'entrée de l'actuel musée jusqu'au sommet du dôme, un poids de 55 000 tonnes (soit le poids de l'actuel porte-avions Charles de Gaulle), 7 kilomètres de galeries souterraines permettant de stocker 500 fusées posées à plat, et dont n'est visible au public qu'une infime partie.

16 attaques aériennes ont eu raison du site, avec le largage de 3 193 tonnes de bombes. Lors de ces attaques, 7 avions anglo-américains ont été abattus et 130 ont été plus ou moins endommagés. 76 civils ont été victimes de ces attaques : 55 habitants de Wizernes et 21 d'Helfaut.

Musée de La Coupole, centre d'histoire et de mémoire du Nord–Pas-de-Calais

Naissance du projet (1986-1987)

Les installations souterraines et le gigantesque dôme de béton d'Helfaut construits par l’Organisation Todt furent classés en 1949 par l'État parmi les ouvrages militaires allemands « à abandonner ». Tombé dans l'oubli, le site fait cependant l'objet, à partir des années 1970, d'un important tourisme clandestin, composé de curieux mais aussi d'amateurs de « bunker-archéologie » et ce malgré la dangerosité des lieux (le puits central, situé sous le dôme, descendait à 40 mètres de profondeur).

Succès des portes ouvertes en 1987.

En février 1986, une première visite officielle du site est organisée, avec les spéléologues du Lille Université Club. Wouter Van Wijk, sous-préfet de Saint-Omer, accompagne la naissance du projet en 1986-1988, avant de passer dans le privé, en occupant d'importantes fonctions à la direction de la Verrerie-Cristallerie d'Arques. C'est lui qui propose d'étudier la faisabilité de l'aménagement d'un centre d'histoire sur le site de la Coupole. Mais c'est une équipe de trois hommes qui porte le projet pendant sa longue phase de gestation : Dominique Dupilet, alors député et vice-président du Conseil général du Pas-de-Calais, passionné d'Histoire, est longtemps le seul élu régional à croire en ce projet et à le soutenir ; Yves Le Maner, agrégé d'Histoire, enseignant à Saint-Omer et correspondant de l'Institut d'Histoire du Temps Présents (centre national de la recherche scientifique) pour le département du Pas-de-Calais prend en charge la conception du programme historique du futur musée ; François Mulet, employé de l'Espace naturel régional puis du Parc des Caps et Marais d'Opale, assure le suivi administratif du dossier.

Yves Le Maner et François Mulet décident dans un premier temps d'organiser une ouverture temporaire du site, afin de le faire connaître au public régional. Ils obtiennent la présence du professeur R.V. Jones, conseiller scientifique de Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale, et de Werner Flos, ingénieur principal de l'Organisation Todt pendant le conflit, qui a conçu les plans des installations de tir de la Coupole. Les deux hommes se rencontrent pour la première fois lors des journées « portes ouvertes » des 20 et 21 juin 1987 qui rencontrent un immense succès populaire : 20 000 personnes se pressent pour découvrir le dôme, donc l'accès a été sommairement dégagé, et la galerie Ida, qui a été désobstruée et où une petite exposition historique a été installée.

Dix années d'une préparation difficile (1987-1997)

C'est le SMADA (Syndicat mixte pour l'aménagement et le développement de l'Audomarois), que préside Albert Lemort, qui finance les recherches et les études préalables pendant plusieurs années. Yves Le Maner et François Mulet entreprennent de présenter le projet auprès des différents partenaires potentiels concernés : Conseil général du Pas-de-Calais, Conseil régional, Préfecture, Direction régionale des affaires culturelles, ambassades de Belgique, du Royaume-Uni et d'Allemagne, Ministère de la Défense, Secrétariat Général pour les Affaires Régionales (SGAR), Goethe Institut, British Council, Rectorat. En 1993, le Département du Pas-de-Calais se porte acquéreur du site et confie la maîtrise d’ouvrage du centre d'Histoire à une société d'aménagement, la Société d'équipement du Pas-de-Calais (SEPAC), qui prend en charge la réalisation du chantier. Dès lors le projet entre dans sa phase de concrétisation.

Pendant dix ans, Yves Le Maner mène des recherches dans un grand nombre de centres d'archives français et étrangers pour réunir les documents nécessaires à la réalisation du programme historique du futur centre d'histoire : ECPA au Fort d'Ivry, cinémathèques Pathé et Gaumont à Joinville, Archives nationales à Paris, Archives départementales du Nord et du Pas-de-Calais, Service historique de l'armée de Terre à Vincennes, Musée du Bourget, Bibliothèque nationale, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC), Agence Roger-Viollet, en France ; Deutsches Museum à Munich, Bundesarchiv à Coblence, Bundesmilitärarchiv à Freiburg-in-Brisgau en Allemagne ; Musée royal de l’Armée à Bruxelles, cinémathèque de la Radio-Télévision belge de la Communauté française (RTBF) à Charleroi, CEGES à Bruxelles, archives municipales d'Anvers, en Belgique ; Archives nationales et photothèque des Services de l'Armée canadienne à Ottawa ; Space and Rocket Center à Huntsville, vidéothèque de la NASA, USHMM, National Archives et National Air and Space Museum à Washington, USAF Library à Montgomery, Paramount Film Library à New York aux États-Unis ; Imperial War Museum à Londres et Duxford, Public Record Office à Kew, RAF Photo Library à l'Université de Keele, RAF Museum à Hendon, au Royaume-Uni. Il bénéficie de l'aide précieuse de Roland Hautefeuille, un ancien homme d'affaires devenu un chercheur très qualifié en histoire militaire, et d'Étienne Dejonghe, maître de conférences à l'Université de Lille III, grand spécialiste de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. À l'issue de ces recherches, plus de 12 000 photographies et plusieurs dizaines d'heures d'archives filmées sont acquis pour constituer la matière première du programme audiovisuel, cœur de la scénographie du futur musée. Les photographies été ultérieurement numérisées et légendées ; elles sont désormais consultables dans le centre de ressources de la Coupole. Parallèlement, avec l'aide des quotidiens régionaux (L'Indépendant, La Voix du Nord, Nord-Éclair, Liberté), Yves Le Maner entreprend de collecter des photographies concernant l'occupation de 1940-1944 dans le Nord–Pas-de-Calais conservés dans les collections familiales ; plusieurs centaines de documents, souvent exceptionnels, sont ainsi recueillis. Il réalise aussi, sur support vidéo, plusieurs dizaines d'interviews d'anciens acteurs de la Seconde Guerre mondiale : ingénieurs de Peenemünde (Otto Müller, Heinz Bringer, Konrad Dannenberg, Wilhelm Prästhofer), anciens résistants (Auguste Lecoeur, Francis-Louis Closon), anciens pilotes de la Royal Air Force (Leonard Cheshire), anciens déportés (Jean-Marie Fossier, Georges Soubirous, Étienne Lafond, Jacques Brun, André Sellier, etc.). En mai 1990, il organise à Saint-Omer le congrès annuel des Anciens de Peenemünde, ce qui permet d'établir de fructueux contacts, en Allemagne et aux États-Unis. De solides relations de confiance sont aussi tissées avec les deux associations d'anciens déportés français du camp de concentration de Dora (où furent produites les fusées V2 en 1944-1945), Buchenwald-Dora et Dora-Ellrich. Surtout, il établit de profonds liens d'amitié avec André Sellier, ancien déporté à Dora, devenu, à l'heure de la retraite, un remarquable historien du camp où il fut détenu.

Un comité scientifique international a été constitué en 1988 pour valider le programme historique du futur centre d'histoire. Outre Yves Le Maner, il comprend Étienne Dejonghe, Jean-Pierre Azéma, professeur à l'Institut d'Études politiques de Paris, José Gotovitch, directeur du CEGES de Bruxelles, Philip Reed, directeur des archives écrites de l'Imperial War Museum puis directeur du Churchill Museum de Londres, et Hans Umbreit, professeur au FA de Freiburg-in-Brisgau. L'objectif fondamental est de transformer un site nazi en lieu de culture et d'éducation européen. D'emblée, le choix d'utiliser l'audiovisuel comme vecteur de transmission au public est adopté ; le programme définitif est adopté en 1995 et la réalisation du programme audiovisuel est alors entreprise dans le cadre d'un partenariat établi avec l'ECPA, la grande structure audiovisuelle du ministère de la Défense, établie au Fort d'Ivry, près de Paris. Seize films et montages audiovisuels sont réalisés sur des textes rédigés par Yves Le Maner, en quatre versions linguistiques ; des comédiens français prestigieux prêtent leur voix à certains d'entre eux (Jean Rochefort, Michel Bouquet, Sami Frey). Le choix d'un audioguidage quadrilingue est alors une idée totalement pionnière.

Présentation du V2 restauré par les établissements Didier Feramus, à Blendecques (1996).

Yves Le Maner négocie par ailleurs l'octroi de pièces originales de V2 et de V1 par de prestigieuses institutions américaines et britanniques. La NASA cède une coque complète de V2, très endommagée, conservée dans les réserves du NASM à Florence, en Caroline du Sud ; la Royal Air Force donne un moteur de V2 entreposé au musée de Coxford ; le Science Museum de Londres et la Cranfield University fournissent des éléments de V1, dont un propulseur. Grâce à l'engagement civique de Didier Feramus, président-directeur-général d'une entreprise de chaudronnerie établie à Wizernes, la restauration complète d'un V2 est réalisée en 1995-1996. Cet extraordinaire objet constituera l'un des points d'intérêt centraux du futur musée. Un V1 est également réalisé, en utilisant des parties originelles et des éléments restitués à partir des plans conservés en archives, à Munich. Des liens sont également établis avec la SEP, à Vernon, entreprise qui construit les moteurs de la fusée Ariane, qui a bénéficié, dans les années 1960, de l'apport décisif d'anciens ingénieurs de Peenemünde.

Les études géotechniques sur le site de la Coupole sont menées par les ingénieurs de Charbonnages de France au début des années 1990, sous la direction d'Henri Crombecque. Un chantier, complexe, commence en avril 1995. Les deux-tiers des sommes engagées sont consacrées à la mise en sécurité et à l'aménagement du parcours de visite souterrain. D'importants travaux sont réalisés, pour conforter les galeries, pour les relier à la grande salle du dôme, pour créer un bâtiment d’accueil et un parc de stationnement automobile. Le montant total du programme s'établit à 69 millions de francs ; le Département du Pas-de-Calais en fournit 35, la Région Nord–Pas-de-Calais 17, La Communauté Économique Européenne 12, l'État 3 (ministère du Tourisme), la Ville de Saint-Omer 1.

La programmation muséographique, confiée à Bruno Chiambretto, souffre d'un budget très limité par rapport à la surface prévue de l'exposition permanente. Les autres parties prenantes dans la construction du musée : BET CdF Ingénierie (maître d'oeuvre), bureau d'études Manning (maître d'oeuvre aménagement extérieurs et voirie), M. Noyon (paysagiste), Hubert Wacheux (architecte du bâtiment d'accueil), entreprises en cgarge des travaux : Norpac, Cegelec, Samée, Guinet, Ateliers du Nord, Egide conception, Electrosonic, Garchette coommunicaton, Sennheiser, Colas, EEB, ESN, STR, Allender.

Yves Le Maner fixe les principes de la structure des panneaux d'information (dont il rédige l'intégralité des textes et fournit l'iconographie) et de la présentation du programme audiovisuel. Il assure également la rédaction du cahier des charges du programme de maquettes, avec l'aide de Yannick Delefosse. Confiée à Ateliers du Nord, c'est une scénographie minimale qui est installée, en raison de la faiblesse du budget alloué. L'ensemble du programme historique et audiovisuel est proposé en quatre langues (français, anglais, allemand, néerlandais). La visite commence par la découverte du tunnel ferroviaire destiné à l'approvisionnement du site, puis un ascenseur permet d'accéder, 40 mètres plus haut, à la gigantesque salle du dôme. Introduits chacun par une projection audiovisuelle de 20 minutes, deux parcours sont proposés au visiteur. Le premier permet de suivre l'histoire des armes nouvelles allemandes, depuis les pionniers des années 1920 jusqu'à la mise en opération des V1 et des V2 contre Londres et Anvers en 1944-1945, tout en soulignant l'utilisation de la main-d'œuvre concentrationnaire par le régime nazi pour fabriquer ces armes novatrices ; la construction des sites de tir est également présentée, ainsi que les puissantes contre-mesures mises en œuvre par les Britanniques ; un V2, peint dans ses couleur de camouflage, suspendu au dôme, impressionne par sa silhouette novatrice, ancêtre de toutes les fusées du XXe siècle ; une animation 3D permet de comprendre le fonctionnement de son extraordinaire moteur ; enfin, l'héritage des découvertes de Peenemünde est abordé, avec les programmes spatiaux de l'après-guerre, qui amènent l'Homme sur la Lune. Le second parcours présente les conditions spécifiques qu’à subi le Nord de la France pendant l'occupation allemande de 1940-1944 : la violence de l'invasion, la menace d'annexion, l'exploitation économique, le maintien de la région en zone de combat en raison de l’intensité de la guerre aérienne, la résistance, précoce et multiforme, une libération-éclair par les troupes alliées ; un développement approfondi est consacré à la répression allemande et aux deux formes de déportation qui ont frappé la population : raciale, contre les Juifs de Lens, répressive, contre les Résistants ; à l'issue de la rénovation scénographique de 2010, un mémorial régional présente les noms (et pour certains, les photos) des 8 000 hommes et femmes victimes de la barbarie nazie entre 1940 et 1944 dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. L'iconographie d'archive est exceptionnelle dans ce musée : photos des correspondants de guerre, photos clandestines, photos en couleur des déportés du camp de concentration de Dora en train de fabriquer les V2, en juillet 1944. À l'issue de la visite, le visiteur regagne les installations souterraines et découvre alors les impressionnants murs de la salle de préparation au tir des fusées, avant de regagner l'air libre.

Inauguration : au premier plan, au centre Jean Mialet, président de l'association des anciens déportés de Dora-Ellrich.

En 1996, le Rectorat de Lille décide de la création d'un service pédagogique afin de faciliter l'accès du futur centre aux professeurs et aux élèves du secondaire ; il est confié à un professeur d'Histoire (Laurent Seillier) et à un professeur de Sciences Physiques (Bruno Decriem), tous deux enseignants dans des établissements de l'Audomarois.

Inauguration

Le centre d'Histoire de la Coupole est inauguré le 9 mai 1997 par Marie-Christine Blandin, présidente de la Région Nord-Pas-de-Calais et Roland Huguet, président du Conseil général du Pas-de-Calais, en présence de nombreux déportés rentrés de Dora. Il est ouvert au public le lendemain. Yves Le Maner réintègre l'Éducation nationale à la rentrée de septembre 1997 et poursuit ses recherches historiques.

L'ouverture au public et les difficultés des premières années d'exploitation (1997-2000)

Une Société d'économie mixte a été mise en place en 1996, pour assurer le fonctionnement du futur équipement ; son capital est apporté par le Conseil général du Pas-de-Calais et par quelques partenaires privés. Guy Froment en est nommé directeur. Grâce à un important financement accordé par le Conseil général du Pas-de-Calais, qui permet le lancement d'une puissante campagne de communication, l'équipement rencontre un très grand succès initial, avec plus de 150 000 visiteurs au cours de la première année d'exploitation, malgré sa situation à l'écart des grands flux touristiques nationaux. La Coupole devient un élément important de l'attraction touristique de la région audomaroise. Le centre d'Histoire de la Coupole fait immédiatement l'objet d'une reconnaissance de la part du public – dont une bonne part est constituée de Britanniques – et de la presse spécialisée, comme l'atteste l'obtention de deux étoiles au guide vert Michelin dans son édition de 1998. En outre le musée a fortement influencé l'évolution d'équipements de même nature vers l'usage important des supports audiovisuels.

En 1996, le directeur d'exploitation du site a choisi un intitulé qui se révèle peu pertinent : Centre d'Histoire de la Guerre et des Fusées. Rapidement, l'établissement souffre d'une image négative auprès des institutions culturelles françaises et étrangères, en raison d'une communication de type « parc de loisir ». Cela explique la faible notoriété de l'équipement, au niveau régional et national, jusqu'au début des années 2000. On observe un rapide recul de la fréquentation : celle-ci passe sous la barre des 100 000 en 1999. En revanche, portée par un service pédagogique efficace, qui bénéficie d'un budget spécifique directement octroyé par le Conseil général, la fréquentation scolaire progresse régulièrement.

La découverte, en 1998, des photos en couleurs réalisées en juillet 1944 dans l'usine souterraine de Dora par le photographe de Hitler, Walter Frentz, récemment disparu, incite Yves Le Maner et André Sellier à organiser à la Coupole, en 1999, une exposition sur les différents types d'iconographie disponibles dur ce camp de concentration, « Images de Dora ». Grâce à un contact très amical avec le fils de Walter Frentz, la collection des photos en couleurs de Dora est gracieusement mise à disposition. L'exposition rencontre un accueil exceptionnel (avec notamment une pleine page dans Le Monde). Un catalogue est publié, qui rencontre un grand intérêt en Allemagne, dans le contexte des procès intentés aux entreprises ayant utilisé de la main-d'œuvre concentrationnaire pendant la Seconde Guerre mondiale. Une version de l'exposition sera présentée au prestigieux Deutsches Museum de Munich en 2000-2001, accompagnée d'une traduction en allemand du catalogue.

En 1999, Étienne Dejonghe et Yves Le Maner publient le catalogue de l'exposition permanente de la Coupole consacrée à l'occupation du Nord–Pas-de-Calais de 1940 à 1944, Le Nord–Pas-de-Calais dans la main allemande, qui obtient cette même année le Prix littéraire de la Résistance décerné par le Sénat.

À partir de 1999, la Coupole rencontre d'importantes turbulences : recul de la fréquentation, mauvaises relations avec les structures politiques, culturelles et touristiques environnantes, dissensions au sein de l'équipe. Surtout, le capital de la société d'économie mixte d'exploitation est pratiquement consommé et la menace de cessation de paiement, présente, avec la certitude d’une faillite proche. Le 1er octobre 2000, Guy Froment quitte la direction de l'établissement.

Redressement et développement (2000-2011)

Le Conseil général du Pas-de-Calais entreprend de sauver le centre d'Histoire de la Coupole en mettant en place une double structure : un Syndicat mixte public est créé le 1er janvier 2001, avec la participation du Conseil général et de la CASO (Communauté d'agglomération de Saint-Omer), pour assurer le financement nécessaire au fonctionnement de l'établissement et exercer une tutelle sur la Société d'économie mixte qui est maintenue pour prendre en charge la gestion courante de l'équipement, en fonction d'un contrat de gérance.

Roland Huguet, président du Conseil général du Pas-de-Calais fait alors appel à Yves Le Maner pour redresser et développer l'équipement, en lui donnant carte blanche pour opérer tous les changements nécessaires. Ce dernier est détaché de l'Éducation nationale en février 2001 et nommé directeur-général du Syndicat mixte. Deux conseils d'administration coexistent : celui du Syndicat Mixte est présidé par Michel Lefait, député et conseiller général, celui de la SEM par Éric Rolin, maire d'Helfaut. La gestion du personnel reste de statut privé et sous la responsabilité du directeur de la SEM, mais Yves Le Maner exerce une tutelle au nom des collectivités territoriales.

Immédiatement, Yves Le Maner procède au changement de nom de l'établissement qui devient le Centre d'Histoire et de Mémoire du Nord–Pas-de-Calais. La Coupole établit rapidement de solides relations avec plusieurs grands partenaires culturels : l'ECPA-D (Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense), le CNES (Centre national d'études spatiales), la RAF Historical Branch, In Flanders Fields Museum à Ypres, etc. Il obtient les financements nécessaires à la réalisation des travaux d'étanchéité du dôme, qui avaient été négligés lors du chantier de 1996-1997. Il procède au réaménagement complet du circuit d'accueil et à la refonte de la signalétique d'accès du site alors qu'un local spécifique est créé pour l'accueil des groupes scolaires.

La réorientation de la communication, dans une optique culturelle, centrée sur la mémoire et l'histoire, permet d'enregistrer une hausse régulière de la fréquentation, malgré les conséquences des événements géostratégiques et de la crise économique de 2008 : 110 000 visiteurs en 2001, 120 000 en 2010. La Coupole a célébré son millionième visiteur, huit ans après son ouverture, le 20 novembre 2005. La coexistence de deux structures de gestion à la tête de la Coupole n'a cependant pas tardé à générer des tensions entre le Syndicat mixte et la SEM. Après plusieurs années d'hésitation, le Conseil général, désormais présidé par Dominique Dupilet, l'un des pères fondateurs de la Coupole, décide de rationaliser la gestion du musée en supprimant la SEM et en mettant en place un Établissement Public de Coopération culturelle, une nouvelle forme juridique créée par le législateur. Le processus aboutit le 1er mars 2006, date à laquelle la SEM et le Syndicat mixte cèdent la place à l'EPCC de la Coupole. Yves Le Maner est élu directeur de la nouvelle structure par le conseil d'administration, d'abord présidé par Michel Lefait, puis par Jean Wallon, conseiller général et ancien inspecteur pédagogique régional de Sciences Physiques. Le passage au statut d'EPCC assure la pérennité de l'équipement, car l'implication structurelle des collectivités locales (Conseil général et CASO) permet d'assurer les subventions publiques sans lesquelles l'établissement ne peut vivre.

Yves Le Maner réalise, chaque année, entre 2001 et 2010, une exposition de grande ampleur, présentée le plus souvent à la Coupole, dans l'espace d'exposition qui a été aménagé dans la galerie Ida :

  • Le Pas-de-Calais au XXe siècle, en 100 photographies, à Arras (avec catalogue), en 2001.
  • Enigma. Secret et cryptage de la Seconde Guerre mondiale aux cartes bancaires, en partenariat avec l'Université de Lille I, en 2001, avec la réalisation d'un DVD.
  • Images de la guerre d'Algérie (2002), préparée en collaboration avec Benjamin Stora, catalogue publié par l'ECPA-D.
  • Stalingrad, la plus grande bataille de tous les temps (2003).
  • Expositions de rue pour le 60e anniversaire de la Libération à Arras et à Lille, en 2004.
  • Avec l'œil des anges, la Terre vue du ciel et de l'espace, en partenariat avec le CNES, en 2004.
  • Déportation et génocide (1939-1945), en 2005, avec un très gros catalogue. Yves Le Maner conçoit un numéro spécial de La Voix du Nord concerné à la mémoire de la déportation, qui reprend la liste des déportés de répression et de persécution partis du Nord et du Pas-de-Calais.
  • Le Mur de l'Atlantique sur les côtes du Nord–Pas-de-Calais, avec catalogue (2006).
  • Tombés du ciel, les aviateurs abattus au-dessus du Nord–Pas-de-Calais (1940-1944), en 2007, en partenariat avec la RAF Historical Branch et l'association Antiq'Air, avec un catalogue.
  • Traces de la Grande Guerre, en 2008, à Arras, avec catalogue.
  • Photographies de l'Enfer et du Chaos en 2008, avec un catalogue rédigé par Yves Le Maner et Alain Jacques, republié par Ouest France, sous le titre Combattants de la Grande Guerre.
  • Disparus de la Terre, à l'hôtel de ville de Lille, en 2009, avec un catalogue.
  • Churchill à travers la photographie, au château d'Hardelot (2010).

La Coupole organise également plusieurs colloques portant sur l'histoire de la Seconde Guerre mondiale : La grève des mineurs de 1941, à Lens, en 2001 ; l'Histoire du camp de Dora, etc. L'établissement obtient le versement d'importants fonds d'archives privées : fonds Lhermitte sur la Résistance dans le Pas-de-Calais, fonds Michel Rousseau, correspondant du Comité d'Histoire de la Résistance pour le Nord, fonds André Sellier, etc. Yves Le Maner prépare la réalisation d'un mémorial des déportés de persécution et de répression du Nord–Pas-de-Calais qui sera intégré dans la nouvelle scénographie en cours de conception. Pour cela, il recrute Laurent Thiery, ce qui permettra à ce dernier d'achever sa thèse sur la déportation de répression dans le Nord–Pas-de-Calais.

La Coupole assume désormais un rôle structurant dans la mise en œuvre de parcours liés au tourisme de mémoire. Yves Le Maner réalise les panneaux historiques qui sont installés lors de l'aménagement du cap Blanc-Nez, dans le cadre de l'opération « Grand site ». Il crée également des panneaux d'information historiques sur plusieurs sites V1 et V2 situés en milieu forestier (Morbecque, Clairmarais, Tournehem) en partenariat avec l'Office national des forêt (ONF). La Coupole prend en gestion, en partenariat avec le Conservatoire des Espaces Naturels du Nord–Pas-de-Calais, le site du canon souterrain (V3), à Landrethun-le-Nord, en 2010 ; la société des carrières de la Vallée Heureuse met à disposition de la Coupole les spectaculaires plaques en acier destinées à protéger la bouche d'un canon, qu’elle conservait depuis 1945. En 2009, Yves Le Maner a été sollicité par Daniel Percheron, président du Conseil régional Nord–Pas-de-Calais, pour définir un programme structurant de tourisme de Mémoire à l'échelle régionale. Il assure ce travail, en 2009-2010, avec l'aide d'Alain Jacques, directeur du service archéologique de la Ville d'Arras et rédige l'essentiel des notices historiques qui constituent le cœur du site internet « Chemins de Mémoire en Nord–Pas-de-Calais », devenu depuis l'un des sites les plus consultés en France sur cette thématique. Avec Alain Jacques et Yves Fohlen il conçoit le programme historique du musée 14-18 Jean et Denise Letaille à Bullecourt, cofinancé par l'État australien, qui sera inauguré en 2012.

La scénographie de la Coupole est entièrement renouvelée et modernisée en 2010, en fonction de principes développés à l'issue d’une étroite coopération entre Yves Le Maner et l'architecte Arnaud Sompairac. Un catalogue d'exposition, V1/V2, Les armes nouvelles allemandes de la Seconde Guerre mondiale, rédigé par Yves Le Maner, sera publié par la Coupole en 2014.

Devenu président du conseil général du Pas-de-Calais en 2004, Dominique Dupilet a bien sûr accordé un soutien indéfectible à l'établissement. C'est lui qui a permis la concrétisation du souhait de Jean Wallon d'installer un planétarium numérique de grande qualité sur le site de la Coupole. Lancé en 2008, le projet, d'un montant de 6 millions d'euros (financés par le Département, la Région Nord–Pas-de-Calais, l'État, la Communauté européenne et l'intercommunalité de Saint-Omer), a pu aboutir en 2011. Il a également accédé à la demande d'Yves Le Maner de créer un centre documentaire et de ressources permettant de mettre à disposition des chercheurs les collections iconographiques et archivistiques acquises par la Coupole. Ce centre associé permet en outre d'accueillir les séances de formation proposées aux enseignants du secondaire.

À l'issue de son mandat de cinq ans à la tête de l'EPCC, Yves Le Maner décide de quitter la direction de l'établissement en 2011, comme il l'avait annoncé lors de la création de cette structure en 2006. Il est nommé directeur de la mission « Histoire, mémoire et commémoration » au sein du Conseil régional Nord–Pas-de-Calais, à la tête de laquelle il mènera à bien la création de l'Anneau de Mémoire de Notre-Dame-de-Lorette (2014) et du Centre d'interprétation Lens 14-18, à Souchez (2015), avant de prendre sa retraite. Il est remplacé à la tête de la Coupole par son adjoint, Julien Duquenne, qui effectue un mandat à la tête de l'établissement (2011-2016), au cours duquel est accueilli le deux millionième visiteur (mai 2014) ; il est remplacé en 2017 par Thierry Capillier.

La Coupole aujourd'hui

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Devenu Centre d'Histoire et de Mémoire du Nord-Pas-de-Calais en mai 1997, la Coupole est aujourd'hui un des pôles de l'activité touristique de la région. Chaque année, près de 100 000 visiteurs, essentiellement des scolaires de la région, mais aussi des particuliers et des étrangers provenant surtout du Royaume-Uni, visitent le site.

Planétarium 3D

Ouvert depuis le 14 juillet 2012, la capacité du planétarium est passée de 129 à 139 places. C'est le premier planétarium 3D stéréoscopique du Département et le deuxième en France, toutefois c'est le seul au monde équipé de la technologie active. Fin 2013, le planétarium avait accueilli 59 350 visiteurs (hors événementiels)[1].

Centre de ressources

Le centre de ressources (CERENDAC) assure plusieurs missions[2] :

  • Les recherches, la collecte d'informations et de documents sur les résistants et les victimes de la répression pendant la Deuxième Guerre.
  • Collecte de fonds d'archives privées (archives d'André Sellier).
  • Réalisation d'un dictionnaire biographique des 9 000 déportés de France passés par le camp de Dora et dans ses Kommandos pour avril 2020.

Témoignage audio

Visite de la coupole d'Helfaut en compagnie du directeur et témoignage de l'ancien gardien des lieux au moment de la libération.
Propos recueillis par Jean-Yves Boyet Ecoutez Voir

Sources

  • Dossier de presse de l'inauguration de la Coupole, 1997.
  • Yves Le Maner (partie 2. Musée de La Coupole, centre d'histoire et de mémoire du Nord–Pas-de-Calais), novembre 2017.

Bibliographie

  • Roland Hautefeuille, Constructions spéciales, édition à compte d'auteur, 2e édition enrichie, Paris, 1995, 324 pages. Le livre de référence sur l'histoire des sites de tir fortifiés pour les armes nouvelles allemandes.
  • Yves Le Maner, V1/V2, les armes nouvelles allemandes de la Seconde Guerre mondiale, éditions La Coupole, Saint-Omer, 2014, 390 pages. Une synthèse rigoureuse sur les différents aspects des programmes d'armes nouvelles allemandes.
  • L'Indépendant du Pas-de-Calais, Saint-Omer, encart spécial, 18 mai 2017, « La Coupole, 20 ans d'expérience ». Une synthèse évoquant les origines du musée et ses 20 premières années d'existence.

Lien externe

Liens internes

Notes

  1. Rapport d'activité 2013.
  2. Rapport d'activité 2013.